- Année: 5 Décembre 1965
- Vieux Papiers Document Historique
- État: D'usage -....Rare
- Source Wikipedia
Élection présidentielle française de 1965
Conformément à l'article 6 de la Constitution, le président de la République française est élu pour un mandat de sept ans3. Si aucun candidat ne recueille la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, un second tour a lieu quatorze jours plus tard : seuls peuvent alors se présenter les deux candidats arrivés en tête au premier tour après retrait éventuel de candidats mieux placés. Les dates du scrutin sont fixées en Conseil des ministres et publiées au Journal officiel2. Le scrutin est fixé au 5 décembre (1er tour) et au 19 (2e tour).
Chaque candidat doit satisfaire plusieurs conditions :
La Constitution prévoit que3 :
- en cas d'empêchement ou décès dans la dernière semaine de dépôt des candidatures d'une personne qui a annoncé son intention d'être candidate, le Conseil constitutionnel peut reporter l'élection ;
- en cas d'empêchement ou décès d'un candidat avant le premier tour, l'élection est reportée ;
- en cas d'empêchement ou décès d'un candidat qualifié pour le second tour, il est procédé de nouveau à l'ensemble des opérations électorales.
Le Conseil constitutionnel est, selon l'article 58 de la Constitution, garant de la régularité de l'élection, de l'examen des réclamations et de la proclamation des résultats.
Campagne électorale
L'ouverture officielle de la campagne eut lieu le 19 novembre 19654.
Le général de Gaulle choisit pour affiche de campagne une Marianne représentée en petite fille et dessinée par Lefor et Openo avec comme slogan : « J'ai sept ans, laissez-moi grandir », le présentant de fait comme le garant et le défenseur des nouvelles institutions de la Cinquième République.
La campagne montra par ailleurs l'importance de la télévision (la France comptant alors 6 385 000 récepteurs), chaque candidat ayant alors le même temps de parole lors de la campagne officielle. François Mitterrand et Jean Lecanuet avaient tous deux pris en compte le rôle de la télévision dans l'élection présidentielle américaine de 1960 : au cours de cette campagne, le débat télévisé était généralement considéré comme ayant aidé John Fitzgerald Kennedy à l'emporter sur Richard Nixon.
Les candidats
Charles de Gaulle, président sortant
À l'origine d'un changement du mode de scrutin de l'élection du président de la République en 1962, Charles de Gaulle annonce sa candidature tardivement, le 4 novembre 1965, lors d'une intervention télévisée à 20 heures : « Que l'adhésion franche et massive des citoyens m'engage à rester en fonctions, l'avenir de la République nouvelle sera décidément assuré. Sinon, personne ne peut douter qu'elle s'écroulera aussitôt5 ».
Appelant les électeurs à lui renouveler sa confiance et refusant d'entrer en compétition avec les autres candidats, Charles de Gaulle, confiant, renonce d'abord à utiliser son temps de parole de campagne à la télévision6, avant d'y recourir le 30 novembre et le 3 décembre7, face à la baisse des intentions de vote en sa faveur (il était initialement donné largement élu dès le premier tour8). Mais il refuse de participer à des débats contradictoires alors que les autres candidats acclimatent l'opinion au style nouveau des campagnes présidentielles « à l'américaine »9. Ses prestations audiovisuelles, au cours desquelles il fustige le régime des partis, n'empêchent cependant pas sa mise en ballottage et la tenue d'un second tour. Lors de la réunion du Conseil des ministres le 8 décembre, de Gaulle reconnaît « Je me suis trompé… C'est moi, et moi seul, qui ai confondu élection et référendum10 ». Dans l'entre-deux-tours, il est interrogé par Michel Droit, au cours d'entretiens durant lesquels il use de son talent oratoire, et surprend le public par sa décontraction et sa liberté de ton.
Pendant la campagne, il interdit au ministre de l'Intérieur, Roger Frey, d'utiliser le passé de François Mitterrand pour le déstabiliser (le général de Gaulle s'oppose notamment à la publication d'une photo de François Mitterrand aux côtés du maréchal Pétain et à toute enquête sur ses liens avec René Bousquet)11.
François Mitterrand, candidat unique de la gauche
François Mitterrand remporte 44,80 % au second tour, après avoir réussi à mettre le général de Gaulle en ballotage.
Face à lui, François Mitterrand, président de la Convention des institutions républicaines (CIR) entre en lice le 9 septembre 1965, à la suite de l'échec de la candidature de Gaston Defferre, sans solliciter l'avis des grands partis de la gauche parlementaire12. Il obtient rapidement l'investiture et le soutien du parti socialiste SFIO, alors même qu'il n'en était pas membre, du Parti radical, du Parti socialiste unifié (PSU) et du Parti communiste français, ce dernier se méfiant de l'élection présidentielle au suffrage universel direct. Attaché à l'idée d'union de la gauche sans exclusive et à une stratégie de fédération de ses différentes organisations, Mitterrand était un des rares hommes de gauche à promouvoir une alliance incluant les communistes12. Le député de la Nièvre alors âgé de 49 ans, ancien ministre de la Quatrième République, devient ainsi candidat unique de toute la gauche. Cette alliance de circonstance fit sa force, puisque socialistes et communistes voyaient en lui un candidat présentable, mais sans grande envergure[réf. souhaitée].
Opposant de la première heure au général De Gaulle ainsi qu'aux institutions de la Ve République, il mène une campagne vigoureuse, se voulant être celle des opposants sans complexes au gaullisme13 : il joue de son âge et se présente sur ses affiches comme « un président jeune pour une France moderne ». Entre les deux tours, André Malraux l'accuse d'être « le candidat unique de quatre gauches, dont l'extrême droite »14. Le prestige de Mitterrand fut d'avoir mis le Général en ballottage, lui permettant d'asseoir sa stature, et plus encore après l'absence de la gauche au second tour de la présidentielle de 1969. Sous l'impulsion de cette candidature, la Fédération de la gauche démocrate et socialiste, regroupant socialistes, radicaux et divers autres mouvements de la gauche non-communiste, est fondée en décembre 1965. La FGDS remporte deux ans plus tard un vif succès lors d'élections législatives, mais est très affaiblie à la suite de la crise de mai 1968 et disparaît peu après.
Jean Lecanuet, candidat de centre droit
Jean Lecanuet remporte 15,57 % des voix au premier tour et contribue à la mise en ballottage du président sortant.
Troisième grande figure de la campagne, le président du Mouvement républicain populaire (MRP) et sénateur de Seine-Maritime, Jean Lecanuet, joue de son image de renouveau au centre droit, face à De Gaulle. Comme Mitterrand, Jean Lecanuet tire un argument de sa jeunesse : peu connu des Français avant l'élection, il se présentae en outre comme un homme neuf. À l'instar également de Mitterrand[réf. souhaitée], il a étudié le rôle de la télévision dans l'élection présidentielle américaine de 1960 et fait appel à des méthodes modernes incluant sondages et utilisation d'entreprises de conseils en communication. Ses prestations télévisées, au cours desquelles il est notamment interrogé par le populaire journaliste Léon Zitrone, sont très suivies et assurent en particulier sa notoriété auprès du grand public urbain et des classes moyennes. Lecanuet obtient un peu plus de 15 % des suffrages, en deçà de son objectif et loin derrière Mitterrand. Son score contribue néanmoins à la mise en ballottage de Charles de Gaulle. Il regrette par la suite de ne pas avoir appelé à voter en faveur de ce dernier au second tour15. Après l'élection présidentielle, Jean Lecanuet lance le Centre démocrate.
Autres candidats
D'autres candidatures ont des conséquences moindres :
Candidatures n'ayant pas abouti
D'autres personnalités ont été pressenties à la candidature, mais ne sont pas présentées :
- Antoine Pinay, président du Conseil en 1952, qui reprochait au Général son anti-américanisme et sa politique de la chaise vide avec les partenaires européens ;
- Paul Antier, président du Parti paysan d'union sociale ;
- Gaston Defferre est présenté comme Monsieur X par l'hebdomadaire L'Express dirigé par Jean-Jacques Servan-Schreiber en septembre 196317. Le maire socialiste de Marseille veut mener une campagne centriste, en s'efforçant de rassembler des réformateurs venus d'horizons variés, sans tenir compte de leur étiquette politique. Vertement critiqué par le PCF et l'aile gauche de la SFIO, il ne parvient pas à obtenir le soutien du MRP, qui refuse toute référence au socialisme et à la laïcité, indispensables aux yeux de son parti12. Il est investi par ce dernier en mai 196518 pour former une « grande fédération démocrate et socialiste », allant des socialistes aux démocrates-chrétiens, dans l'objectif de mettre fin aux clivages partisans hérités de la IVe République pour transformer le paysage politique français autour d'un programme politique inédit. Malgré une campagne très active au cours de l'été 1965, son équipe finit par reconnaître son échec par manque de soutiens, et le projet est abandonné en juin12 ;
- En février 1965, Pierre Dac présente sa candidature satirique avec son Mouvement ondulatoire unifié (MOU), dont le slogan était « Les temps sont durs, votez MOU ! ». En septembre, il renonce à la demande de l'Élysée19.
Sondages
Ces élections de 1965 sont les premières en France qui donnent lieu à une « opération-estimation » au soir des deux scrutins des 5 et 19 décembre. Profitant des progrès réalisés par les calculateurs électroniques, l'institut de sondage Ifop, en association avec le Centre français de recherche opérationnelle (CFRO) organise sur les antennes d'Europe 1 des estimations des résultats électoraux20.
Premier tourIntentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle de 1965
21Second tour
Intentions de vote au second tour de l’élection présidentielle de 196521
Résultats
|
Premier tour
le 5 décembre 1965 |
Second tour
le 19 décembre 1965 |
|
Nombre |
% des
inscrits |
% des
votants |
Nombre |
% des
inscrits |
% des
votants |
Inscrits |
28 910 581 |
|
|
28 902 704 |
|
|
Votants |
24 502 916 |
84,75 % |
|
24 371 647 |
84,32 % |
|
suffrages exprimés |
24 254 556 |
|
98,99 % |
23 703 434 |
|
97,26 % |
bulletins blancs ou nuls |
248 360 |
|
1,01 % |
668 213 |
|
2,74 % |
Abstentions |
4 407 665 |
15,25 % |
|
4 531 057 |
15,68 % |
|
|
|
Candidat Parti politique |
Voix |
% des
exprimés |
|
Voix |
% des
exprimés |
|
|
Charles de Gaulle Union pour la nouvelle République - Union démocratique du travail |
10 828 521 |
44,65 % |
|
13 083 699 |
55,20 % |
|
|
François Mitterrand Convention des institutions républicaines, investi par la Section française de l'Internationale ouvrière, soutenu par le Parti communiste français, le Parti radical et le Parti socialiste unifié |
7 694 005 |
31,72 % |
|
10 619 735 |
44,80 % |
|
|
Jean Lecanuet Mouvement républicain populaire, soutenu par le Centre national des indépendants et paysans |
3 777 120 |
15,57 % |
|
|
|
|
|
Jean-Louis Tixier-Vignancour Comités Tixier-Vignancour |
1 260 208 |
5,20 % |
|
|
|
|
|
Pierre Marcilhacy Parti libéral européen |
415 017 |
1,71 % |
|
|
|
|
|
Marcel Barbu Sans étiquette (gauche) |
279 685 |
1,15 % |
|
|
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|
Sources : site officiel du Conseil constitutionnel : premier tour [archive], second tour [archive] |
Charles de Gaulle (55,20 %) |
|
|
François Mitterrand (44,80 %) |
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